Retrouvez ci-dessous l’interview de Lina Buscail pour le numéro d’août-septembre du journal de la Ligue de l’enseignement, Les idées en mouvement !
Lina Buscail, 25 ans, partie avec la délégation « la parole des jeunes à Rio + 20 », est revenue avec un petit sentiment d’inachevé. Toutefois, elle se réjouit de l’effervescence qui a animé le forum alternatif de la conférence : le Sommet des Peuples.
Les Idées en mouvement : Pourquoi avoir choisi d’intégrer cette délégation de jeunes ?
Lina Buscail : Adhérente à la Ligue de l’enseignement, j’ai récemment contribué à la mise en place au sein de la fédération du Var d’un Agenda 21 et d’Agendas scolaires. De plus, ma formation en écologie et en sciences de l’environnement font que je suis d’emblée sensible aux problématiques du développement durable.
Un rendez-vous tel que le Sommet de la Terre est un véritable enjeu selon moi, écologique bien sûr, mais également politique et social. Les défis à relever sont grands. Personnellement, je milite pour développer un pôle international de recherche et de développement sur les énergies renouvelables. Je suis en outre favorable à la création d’un tribunal international sur l’environnement. En effet, aujourd’hui, ça n’a vraiment pas de sens de nier les conséquences de l’activité humaine sur l’écosystème.
Pouvez-vous nous présenter la délégation ?
Les jeunes avaient des parcours vraiment différents. Certains travaillaient déjà sur la question du développement durable ou disposaient de solides compétences, tandis que d’autres connaissaient simplement le concept. J’ai trouvé cette mixité salutaire. La diversité a rendu la délégation très riche humainement. Qu’importe le profil de chacun, la motivation était bien présente : elle pouvait être personnelle, professionnelle mais elle était avant tout citoyenne.
Comment s’est déroulé votre séjour et surtout êtes-vous parvenus à porter vos 15 propositions ?
Pour nous approprier le Sommet des Peuples, il nous a fallu un peu de temps. Concernant la participation de chacun aux différents travaux, nous avons choisi de nous répartir en petits groupes pour recueillir un maximum d’informations, réaliser des interviews et rendre compte des 15 propositions que nous portions au nom des jeunes (1).
Vous avez notamment organisé un débat international sur le thème « crise économique : l’importance des valeurs du développement durable dans les choix de carrière personnels ». Qu’en avez-vous retiré ?
Pour animer ce débat, nous avons fait appel à des techniques participatives. Ce qui a très bien fonctionné puisque les scolaires que nous avions sollicités ont eux-mêmes invité une autre classe rencontrée par hasard, si bien que ce sont près de 80 personnes qui ont assisté au débat ! J’ai ressenti une réelle envie de participer, autant de la part des enfants que des jeunes. Chacun semblait attentif et concerné par la problématique proposée. Ce qui me laisse penser que la société civile était bien là pour créer du lien, échanger et avancer des propositions en vue d’améliorer les conditions de vie et de travail dans le monde. Les valeurs à défendre semblaient partagées par tous : Brésiliens, Français comme Américains. Et même si les négociations officielles n’ont pas abouti, le débat a constitué pour moi une expérience extrêmement positive.
Justement, de nombreuses organisations de la société civile ont dénoncé l’adoption d’un texte sans vision ni ambition pour « le futur que nous voulons ».
Malgré le fiasco annoncé, avant même la tenue de la conférence il me semble qu’il y avait – et qu’il y a encore aujourd’hui – un vrai enjeu quant à la place laissée à la société civile. Le sommet officiel ne se trouvait qu’à une heure du Sommet des Peuples qui, lui, regorgeait d’idées et de propositions réfléchies, issues des populations du monde entier. Dans quelle mesure les gouvernements ont-ils su les écouter et s’en inspirer ? Pensant d’abord à leurs propres intérêts, les gouvernements sont restés englués dans une sorte d’inertie. Voilà notre principale déception.
Globalement, que retenez-vous de cette expérience citoyenne ?
Comprendre le mécanisme et la logique des décisions prises à un niveau international s’est révélé très enrichissant. Nous avons vécu de belles rencontres, des échanges intéressants. Quant aux intervenants, ils étaient bien plus impliqués et acharnés que je ne l’aurais cru !
Toutefois, compte tenu des enjeux actuels liés au climat, j’ai trouvé choquant que certaines grandes nations ne soient pas représentées. Cela me semble assez grave, ne serait-ce que symboliquement. Et ne parlons pas de l’empreinte carbone du Sommet officiel, avec son immense complexe isolé, lumineux et énergivore.
Cependant, je pense que chaque temps de rencontre mondial, même s’il est compliqué et coûteux à organiser, a son importance. Renforcer la communication entre les différents États mais aussi entre la société civile et les gouvernements est toujours utile. Et les engagements tant espérés doivent bien être initiés et discutés pour être adoptés ensuite. D’ailleurs, la conférence mondiale sur le climat de 2015 à Durban semble de ce point de vue assez prometteuse.
Concernant la délégation, on peut dire qu’un groupe a véritablement vu le jour, et la séparation s’est du reste révélée difficile. Heureusement, les moyens de communication ne manquent pas et nous avons déjà prévu de nous revoir pour mettre en forme nos idées et proposer un après-Rio + 20 que la Ligue de l’enseignement pourra se réapproprier.
(1) Les 15 propositions sont le fruit de réflexions menées par des jeunes dans le cadre de débats organisés par la Ligue de l’enseignement, dans les régions et au niveau national en amont du Sommet de la Terre.
Propos recueillis par Laurianne Condette